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    Réglementation des ERP : ce que doivent savoir les propriétaires, bailleurs, investisseurs et locataires

    Les établissements recevant du public (ERP) sont soumis à une réglementation stricte en matière de sécurité et d'accessibilité. Cette législation impacte directement les propriétaires et locataires d’immeuble d'entreprise, qui doivent s'assurer de la conformité des locaux qu'ils exploitent ou louent. Cet article vise à clarifier les obligations légales et les enjeux pour ces professionnels.

    1. Définition et classification des ERP

    1.1 Qu’est-ce qu’un ERP ?

    Selon l'article R*123-2 du Code de la construction et de l'habitation (CCH), un ERP est "un bâtiment, un local ou une enceinte dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation. Sont considérées comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l'établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel".

    Un ERP se distingue d'un immeuble à usage exclusivement professionnel, car il accueille des personnes extérieures à l'entreprise. En revanche, un immeuble de bureaux utilisé uniquement par des salariés et soumis au Code du travail ne sera pas qualifié d’ERP, mais devra respecter des règles spécifiques en matière de sécurité et d’accessibilité définies par ce code.

    La distinction est essentielle car la réglementation des ERP est plus contraignante. Par exemple, alors qu’un immeuble de bureaux doit respecter les normes du Code du travail en matière d’évacuation et de prévention des incendies, un ERP est soumis à des exigences renforcées, notamment des contrôles réguliers par la commission de sécurité et d’accessibilité.

    La jurisprudence a pu préciser qu’un immeuble de bureaux ouvert occasionnellement à des clients pour des formations a été considéré comme un ERP, car il recevait du public de manière régulière. De même, un immeuble abritant une agence bancaire a été qualifié d’ERP en raison de l’accueil quotidien de clients, même si l’espace accessible était limité. Un centre de coworking a été considéré comme un ERP, les utilisateurs étant assimilés à du public et non à des salariés d’une même entreprise.

    Ces exemples montrent que la qualification d’ERP dépend de l’usage réel du bâtiment et non seulement de sa désignation contractuelle ou administrative.

    Pour les professions libérales, telles que les avocats, notaires ou expert-comptable, la distinction repose sur l'agencement des locaux :
    •    Locaux intégrés au domicile privé : Si l'activité professionnelle est exercée dans les mêmes pièces que celles destinées à la vie familiale, ces locaux ne sont pas considérés comme des ERP.
    •    Locaux distincts du domicile : Si l'activité est exercée dans des locaux séparés de l'espace de vie privé, ces espaces sont alors qualifiés d'ERP.

    Cette interprétation a été confirmée par une réponse ministérielle publiée au Journal Officiel du Sénat le 11 juin 2009, précisant que les locaux professionnels séparés du domicile sont soumis à la réglementation des ERP.

    Bien que les décisions jurisprudentielles spécifiques aux professions libérales soient rares, la qualification d'un local en tant qu'ERP dépend principalement de son accessibilité au public et de sa séparation ou non avec le domicile privé.

    Il est donc essentiel pour les professionnels libéraux de déterminer si leurs locaux sont considérés comme des ERP afin de se conformer aux obligations réglementaires en matière de sécurité et d'accessibilité.

    Attention, le fait qu'un cabinet d'avocat mentionne sur sa porte qu'il ne reçoit ses clients que sur rendez-vous ne suffit pas nécessairement à l'exclure de la réglementation des ERP. En effet, la qualification d'ERP ne repose pas sur la fréquence de réception du public mais sur le principe même de l’accessibilité aux clients ou visiteurs. 

    Ainsi, même avec un accès restreint sur rendez-vous, un cabinet d'avocat qui reçoit des clients dans un local distinct de son domicile pourrait être qualifié d'ERP. Toutefois, si les locaux sont aménagés de manière à être uniquement accessibles aux salariés et que la réception des clients se fait de manière exceptionnelle ou dans un cadre spécifique, une exclusion du champ des ERP pourrait être envisagée.

    1.2 Les catégories d’ERP

    Les ERP sont classés en cinq catégories selon leur capacité d'accueil (article R*123-19 du CCH) :

    •    1ère catégorie : plus de 1 500 personnes
    •    2ème catégorie : de 701 à 1 500 personnes
    •    3ème catégorie : de 301 à 700 personnes
    •    4ème catégorie : jusqu'à 300 personnes
    •    5ème catégorie : effectif inférieur aux seuils précédents, mais soumis à certaines règles qui varient en fonction de l’activité exercée dans l’ERP (bureaux, commerces, établissements de santé, etc.).

    2. Les obligations réglementaires des ERP

    2.1 Les normes d’accessibilité

    La loi du 11 février 2005 impose aux ERP d’être accessibles aux personnes en situation de handicap (article L.111-7 du CCH). Les obligations concernent :

    •    L’aménagement des cheminements extérieurs et intérieurs
    •    L’installation d'équipements adaptés (ascenseurs, rampes, portes automatisées, etc.)
    •    La signalétique et les dispositifs d'alerte

    Les ERP existants devaient être mis en conformité avant 2015, mais des dérogations peuvent être accordées sous certaines conditions. Ces dérogations sont prévues en cas d'impossibilité technique avérée, de contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural ou lorsque les travaux de mise en conformité entraîneraient un coût disproportionné par rapport aux capacités financières du propriétaire ou de l’exploitant. Chaque demande de dérogation doit être justifiée et faire l’objet d’une validation par la commission départementale consultative de sécurité et d’accessibilité (CCDSA).

    2.2 Les normes de sécurité incendie

    L’article R*123-3 du CCH impose des obligations pour limiter les risques d'incendie et faciliter l’évacuation :

    •    Installation d’alarmes incendie et de systèmes de désenfumage
    •    Nombre suffisant de sorties de secours avec signalisation
    •    Matériel de lutte contre l'incendie (extincteurs, robinets d’incendie armés)
    •    Formation du personnel aux mesures de sécurité

    Les obligations varient selon la catégorie de l'ERP et son type d’activité.

    2.3 Les autorisations et déclarations administratives

    L’ouverture ou la modification d'un ERP est soumise à des démarches précises :

    •    Dépôt d’un dossier en mairie (articles R*123-22 et suivants du CCH)
    •    Demande d'autorisation de travaux en cas d'aménagements
    •    Contrôles par la commission de sécurité et d’accessibilité avant ouverture (pour les ERP de catégorie 1 à 4)

    3. Responsabilités et sanctions en cas de non-conformité

    3.1 Qui est responsable ?

    Les obligations sont partagées entre le bailleur et le locataire, selon deux principes et en fonction notamment de la répartition des charges fixée par le bail :

    •    Le bailleur doit fournir un local conforme aux normes en vigueur (obligation de délivrance Art 1719 Code civil)
    •    Le locataire doit réaliser et financer les aménagements nécessaires à son activité (hors grosses réparations).

    La jurisprudence condamne le plus souvent le bailleur pour ne pas avoir mis aux normes un local loué, l'obligation de conformité étant considérée comme une obligation de délivrance. Mais un locataire a été reconnu responsable des travaux d'accessibilité d'un ERP, le bail prévoyant explicitement cette charge.

    Ces jurisprudences rappellent l'importance de bien définir les responsabilités dans le bail commercial.

    A noter que depuis la loi Pinel, il faut vérifier que la clause stipulée dans le bail mettant à la charge du preneur les travaux d’accessibilité est bien conforme à l’article R.145-35 du code du commerce.

    En effet, depuis la loi Pinel, il est interdit de répercuter sur le preneur les dépenses suivantes :

    -          « Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du Code civil (…)
    -          Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ».

    Il faudra donc distinguer selon la nature des travaux en question : grosses réparations de l’article 606 ou non.

    Soit les travaux relèvent de l’article 606 du Code civil, dans ce cas ils seront à la charge du bailleur. Ce sera nécessairement le cas pour les travaux de remplacement d’une porte d’entrée adaptée aux personnes à mobilité réduite nécessitant pour l’installation de modifier la structure de la façade, ou en encore des travaux d’aménagement de toilettes accessibles aux personnes à mobilité réduite dès lors qu’il s’agit de travaux de transformation conséquente assimilables à de gros travaux.

    Soit les travaux ne relèvent pas de l’article 606 du code civil, dans ce cas ils seront à la charge du preneur si le bail le prévoit expressément et que la clause est suffisamment précise.

    3.2 Les contrôles et sanctions

    Les ERP sont soumis à des contrôles réguliers par les commissions de sécurité et d'accessibilité. En cas de non-respect des règles, les sanctions peuvent inclure :

    •    Une mise en demeure de mise en conformité (article L.152-4 du CCH)
    •    Une fermeture administrative temporaire ou définitive
    •    Des amendes pouvant aller jusqu'à 45 000 € et des peines de prison pour le responsable

    4. Bonnes pratiques et conseils pour les professionnels de l’immobilier d’entreprise

    4.1 Audit et diagnostic avant l’acquisition ou la mise en location

    Avant toute transaction, il est recommandé de réaliser :

    •    Un audit de conformité aux normes ERP
    •    Un diagnostic accessibilité et sécurité incendie

    4.2 Travaux de mise en conformité : comment s’y prendre ?

    Des aides existent pour financer les travaux, notamment les subventions de l'Agefiph pour l'accessibilité.

    4.3 Bail et clauses spécifiques à prévoir

    Le bail commercial doit préciser :

    •    L’activité du preneur autorisée par le bailleur et si cette activité est soumise à la réglementation des ERP (en indiquant la catégorie concernée)
    •    La répartition des obligations de mise en conformité aux normes actuelles et futures
    •    Les conditions de répartition des coûts entre bailleur et locataire

    La clause doit être précise et claire, à défaut c’est le bailleur qui supportera les travaux de mise en conformité concernant les ERP.

    Conclusion

    Les ERP sont soumis à une réglementation stricte en matière de sécurité et d'accessibilité. Les professionnels de l'immobilier d'entreprise doivent anticiper ces obligations pour assurer la conformité des bâtiments et éviter des sanctions. Un accompagnement par des experts est fortement recommandé.

    Auteur : Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Codirigeant de l'organisme de formation immobilier Immo-formation.fr. Ce sujet est développé dans une formation intitulée "L’immobilier d’entreprise de A à Z »".
    Pour toute information sur cette formation : contact@immo-formation.fr. Février 2025

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